– By Nour KHALFAT –
17h30, sur l’écran de ma montre connectée, Un mardi après-midi singulier.
Je suis assis sur l’escalier de mon ancien et familier collège, abri des premiers bourgeons de mon jardin secret et de mon acné. Seul dans un silence reposant, je déguste mon petit goûter improvisé, une madeleine au chocolat offert par ma dulcinée 2 jours plus tôt (si elle savait). Mon appareil photo à la main, je survole déjà avec une certaine nostalgie, les clichés que je viens tout juste de capturer. Une émotion particulière m’envahit, je souris. La magie de la Madeleine de Proust fait son effet …
15h, dans le réfectoire, des hordes de petits gremlins mouillés sont concentrées à récupérer les déchets au sol et à les trier à l’autre bout. Par ici, ça court, ça rit, ça chambre, ça pétille de vie, ça tang, ça banga, … les ateliers s’enchaînent.
Ici, une jolie blonde, créatrice en herbe, recycle des vêtements usagés. De ses doigts habiles, elle transforme un bas de survêtement adidas rouge-orangé en une robe de soirée tendance. Un vieux ballon de basket, et abracadabra, il devient un sac à main design.
Par là-bas, un trio de collégiens écolo-engagés présente avec fierté six fiches techniques détaillées, décrivant les valeurs nutritionnelles et médicinales d’herbes aromatiques. Elles ont été cultivées avec patience dans le petit jardin botanique, à l’entrée du collège, anciens carrés de verdure délaissés, aujourd’hui assainis et fertiles.
Plus loin, Yuna, la directrice de la Cité maraîchers, et ses commis nous présentent une recette de crumble à base de pommes, kiwis et d’avoine. je joue l’apprentis cuisinier, digne de tip top chef.
Puis j’observe, je scrute avec mon appareil photo et passe au scan leurs esprits.
Je viens soutenir Sabrina l’apprentie-chimiste qui présente un atelier #Ecobio. Avec son intuition maternelle et son savoir faire, elle transmet avec passion les clés du modèle économique social, et solidaire du futur, ainsi que les secrets de fabrication de produits écologiques simples et bon marché. Une révolution dans l’esprit des plus jeunes : faire son propre dentifrice et son gel WC avec trois fois rien c’est de la balle. Je n’avais rien dit à ma complice mais j’avoue que j’appréhendais.
A l’heure des smartphones et des technologies avancées, quels enfants s’intéressent à la fabrication du canard WC, sauf à y être obligés par leurs professeurs ou pour fayoter. Convaincue et convaincante, Sabrina ma sorcière bien-aimée installe son atelier, assistée de deux volontaires du jour.
Un plan de travail digne des TP de Physique/Chimie de mes années collège avec tout l’attirail : fiole, becs bunsen, éprouvettes, argile, bicarbonate de sodium, poudre d’agar-agar, huiles essentielles, … poudre de perlimpinpin… bref l’atelier complet de l’école des apprentis sorcier de Poudlard!
Les curieux s’attroupent et manipulent les instruments avec concentration et précaution. Ils sont en mode Swiffer, mission possible. Même les têtes dures et les kamikazes se surprenaient à être impatients de partager leur découverte avec leur maman.
Je fais un bond dans le temps.
Trente ans plus tôt, j’étais à leur place. Je me remémore mes années collège Fou Fou Fou. Je passais mon temps à jouer à cache cache avec les surveillants pendant les récréations. Je jouais déjà avec les mots avec Mme Laporte, je m’évadais avec Mme Coussement qui nous contait l’Histoire de France, je découvrais les sciences de la vie et la magie de mon anatomie avec Mme Abitbol, le langage de la nature avec les mathématiques de Mme Thomas… Mon pire cauchemar, Mme ZERBIB, la CPE . Elle incarnait l’autorité et inspirait le respect. Un regard, un son de sa voix et je déguerpissais comme un petit rat. Je jouais les (œufs) durs mais j’étais un homme-lettres.
Ici, c’est devenu chez moi. Mon collège Gustave Courbet de Romainville, c’est le premier centre de mes émotions, le lieu de rencontres de mes premiers émois et de mes premiers copains venus des autres quartiers : Cachin, les trois communes…. Ici j’ai volé un peu mon premier baiser, j’y ai gagné mon premier tournoi de ping pong.
C’est aussi ma première paire de crampons de foot neuve achetée à la sueur de six mois d’économie de travail sur le marché des Lilas. Je n’oublie pas mon premier walkman Sony autoreverse et mes premières sorties culturelles. C’est aussi la période de mon premier diplôme, de mon premier stress d’orientation pour aller au lycée…et enfin mes premiers pas vers ma vie d’adulte.
Après avoir quitté cette ville pendant plus de 20 ans, aujourd’hui, j’habite à 2 minutes à pied de ce collège et je passe presque tous les jours devant. A presque tous les passages, j’ai des flashs de cette période importante. Des sourires et parfois des fous rires me gagnent.
18h, ma montre connectée sonne la fin de la récré. Je me lève doucement, je déambule dans les couloirs, je découvre avec fierté des affiches de notre prochain atelier d’écriture “LesPtitsEcrivains” que nous avions transmis à la Directrice… un autre projet, une autre histoire.
Je reviens progressivement et doucement à la réalité et je retrouve les petits Courbétiens pour clôturer notre atelier, peu fiers du travail fait.
Une journée anodine pour certains, une journée d’une intense jubilation pour moi.
On en finit jamais de cultiver son jardin.
Mes racines, mon jardin à moi.

Je ne connais pas Sabrina ou Yüna mais ce post est un voyage dans mes souvenirs, non je ne connais pas ce lycée mais ces images et ces mots raisonnent comme un écho à mes propres réminiscences..
Merci à l’auteur de nous rappeler que le lycée et ces profs ont façonné notre destinée. Cette période restera gravée à jamais. J’aurais adoré que quelqu’un capte ce lieu et ces moments qui sont gravés dans ma mémoire ..
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L art et la manière de nous partager un moment… puis s en suit un long récit qui nous fait voyager. Bravo !
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Belle madeleine de Proust qui réussit à nous transporter à une autre époque.
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