Portrait d’une leçon, Portrait des ateliers

– By Sabrina MEGHAOUI –

version audio : Texte, voix et Production Sabrina Meghaoui.

Les heures nocturnes sont des confessionnals invisibles qui n’accueillent que des voies feutrées. Dans le silence de la nuit, on laisse aller nos chagrins que l’on entend plus fort, on pleure les non vivants et les absents vivants. On aime lui chuchoter fragilement nos secrets et nos prières.

La nuit nous offre l’obscurité. N’ayez pas peur d’elle, elle nous conduit à nous élever.  Elle abrite aussi nos souvenirs endormis. Blottis sous mes paupières, je convoque les plus beaux. Souvent, ce sont ceux de mon père partis trop tôt. Un nomade avec des leçons en bandoulières qu’il plantait chez les autres. 

Il aimait me rappeler ceci  :

  • On m’apprend, puis je redonne. Partage la leçon ! Onsuite” toi aussi tu reçois, c’est systémétique” et puis l’autre, il le garde toute sa vie et il avance aussi.
  • SYSTÉMATIQUE, papa.
  • Oui, c’est ce que j’ai dis ma fille, tu entends mal.
  • (rire)
  •  Le but, c’est pas que tu t’agites n’importe comment les mains en l’air, le but c’est de réchéflir” et de partager avant que tu deviennes de la matière organique.

Pourquoi es- tu ici, qu’est ce que tu laisses, hein ?! La leçon que tu as apprise, si tu la gardes  pour toi, y a plus de  place pour laisser entrer les autres, et la lumière.

Il ne faut pas encombrer, partage , vide, c’est comme ça que la lumière reste. Si les volets sont toujours fermés, autant mourir tout de suite.

  • RÉFLÉCHIR, papa ! pasréchéflir”.
  • Oui, j’ai dis ça. Qu’est ce que tu as à inventer des mots aujourd’hui, hein ?! tu dors au cours de français ?

Mon père quand il parle c’est de la poésie qui ne s’écrie pas. La nuit je prends le temps de repasser les films du passé, ils me donnent des idées que je n’ose pas avoir le jour. La journée passe rapidement, difficile de m’entendre penser.  Tout va très vite en ce moment, j’ai l’impression que nos vies défilent sans en suivre le fil. 

Pourtant ces deux derniers siècles nous avons connu une révolution industrielle et numérique. Elles nous ont permis de nous déplacer plus vite, d’avoir de plus en plus de machine pour faire à notre place, de nous dégager du temps et pourtant, nous n’en n’avons plus. Où est passé tout ce temps que l’on gagne ? Où est la raison de ce paradoxe ? J’ai l’impression que ces deux révolutions ont tout accéléré, et qu’elles nous ont rendu tous froids de cette vie pauvre en enchantement.

Aujourd’hui on remplit le temps, mais on en jouit plus. Pourtant nous avons besoin de lui, pour aimer, pour construire, pour nourrir les amitiés, pour faire grandir un enfant. Alors, quand, comment faire une pause, respirer, observer, rêver, dans une société en constante accélération. Indéniablement il y a l’art pour nous aider à ça.

Il y a 5 ans j’ai eu la chance de croiser le chemin d’une grande femme qui croit en demain, qui croit au pouvoir du partage, qui a tout fait pour réunir ceux qui donnent la leçon et ceux qui veulent apprendre. ZOHRA, merci est trop petit pour toi . J’ai participé à des ateliers d’écriture animés par des écrivains, un sociologue et des journalistes. Des personnes incroyables qui avec toute modestie m’ont donné leur savoir, de la lumière et de très beaux souvenirs.

Alors j’ai “réchéfli” comme disait mon père, ne pas agiter mes mains n’importe comment. Il n’avait pas tort, combien de fois ai je vu des actions menées, finir en programmes échoués. J’ai lu que l’on avait confié à un ministre de l’éducation, le problème des décrocheurs scolaires. Lui qui a toujours été bon élève, comment peut-il les comprendre ?

Alors on lui rapportera des analyses, des données, on va même dépenser une somme folle dans ce programme social, mais il lui manquera un point de vue, parce qu’ il ne l’aura jamais vécu. Une réponse à la problématique certes, mais qui ne correspond pas à la demande, et  nombreux sont ces projets.

De ce constat, j’ai voulu partager ce que j’avais appris, ce que j’avais déjà pratiqué et ce que j’aimais faire. Des ateliers d’écriture, pour enfants. Les enfants, nous avons tant à apprendre d’eux, ils sont les vrais gardiens de la magie. Ils parlent le langage du cœur. Ils ont de la vie plein les mains et quand ils rient, ils renversent du soleil partout. Ne leur demandez pas de ne plus croire en la magie, ne leur demandez pas de se réveiller, car c’est lorsque l’on arrête d’y croire que l’on s’endort. Écoutez-les, ils ont ce que beaucoup d’adultes ont perdu. Les adultes sont compliqués, au lieu de suivre la voie de l’amour, ils essaient de la définir et ce faisant, ils se perdent.

L’art nous soigne, montre nos sentiments les plus profonds, nous délivre, nous téléporte ailleurs. On le sait, et plus encore aujourd’hui, que l’horreur peut survenir de nul part, alors j’aimerai qu’ils se souviennent très fort qu’à tout moment ils peuvent écrire pour suspendre le temps le rendre éternel et naviguer dans leur imaginaire pour faire naître un sentiment de liberté absolue et s’envoler.

Papa, si tu me vois, j’essaie. J’essaie tout comme toi de planter des graines, pour faire éclore des mots, et espère semer de belles histoires qui font du bien.

Alors je sais bien que je ne suis pas une grande écrivaine, et que la littérature n’a pas besoin de moi, mais j’aimerai simplement partager ce que l’on m’a appris, je souhaite juste à mon tour, partager LA LEÇON.

  “Chaque enfant qu’on enseigne est un homme qu’on gagne.

L’ignorance, est la nuit qui commence l’abîme.” 

Victor Hugo

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