F comme Février, F comme Face aux épreuves

By Sabrina Meghaoui

Nous partions très tôt le matin. Nous sentions la terre encore humide par la rosée. La fraîcheur des premières heures me faisait frissonner qui aussitôt s’en allait quand il me frictionnait.

Je me souviens de ce silence au-dessus du village, le silence des gens qui dorment encore. Le bruit de nos chaussures résonnait sur les sentiers et le chant des oiseaux réveillait doucement la nature.

Tous les étés avec mon père, nous partions à l’aurore. Je m’installais dans le creux de ses bras chauds, et tout bas il me disait:

  • Regarde bien, c’est le résumé de la vie !

Les nuages roses orangés se mêlaient les uns aux autres, s’épousaient? et doucement s’étirait le soleil au-dessus des montagnes de Djurdjura.

Face aux épreuves que nous ne pouvons empêcher parfois, c’était là, la réponse de mon père:

  • Ca ira, demain le soleil se lèvera.

Esprits condamnés aux soucis, il cherchait l’opposé à tirer des épreuves vécues.

Nous sommes aujourd’hui mondialement plongés dans une crise multiforme.

Nous écrivons une page de l’histoire.

La vie en temps de pandémie, la crise économique et sociale, énergétique, alimentaire, écologique, la crise salariale… et bla et bla et bla

Plutôt déprimant dit comme cela non ?! 

Forcée de constater que beaucoup vivent très mal ces temps modernes, j’ai envie de vous dire que ce n’est pas grave, c’est juste que nous avons oublié, que demain le soleil se lèvera.

Notre existence est bien réglée, bien ordonnée, chacun d’entre nous est à sa place et même si nous ne sommes pas toujours satisfaits par nos vies, la routine se veut familière, rassurante.

C’est vrai, oser c’est suivre une intuition plutôt qu’une conviction. C’est de se mettre en danger et peu d’entre nous sommes capables de payer ce prix, pourtant pour ceux qui acceptent, les possibilités sont étonnantes, elles peuvent changer l’ordre des choses, défier l’impossible, apporter le progrès.

Pourquoi l’humanité suit passivement ce qu’il se passe ?

Pourquoi ne croit-elle plus en son pouvoir individuel pour améliorer le collectif ?

Pourquoi manque t-elle cruellement d’imagination et d’audace ?

Pourquoi a-t-elle peur de grandir ? 

A t-elle oublié à ce point ? Ne connaît-elle plus les exacts opposés qui permettent au monde de fonctionner : comment connaître le mal sans le bien, le chaud sans le froid, le haut sans le bas, ici sans là-bas, maintenant sans jadis, il nous faut traverser des épreuves, cette épreuve !

Victor Hugo disait : “jeune gens ayons bon courage, si rude qu’on nous veuille faire le présent, l’avenir sera beau ”

Il m’arrive à moi aussi parfois de perdre espoir, face aux interrogations de mon fils :

  • Maman, comment ce sera demain ?

J’ai envie de lui répondre que demain le monde sera comme il le voudra.

Pourtant, je sais qu’il sera déçu, qu’on lui mentira pendant qu’il croit l’être humain sincère.

Que parfois il sera l’accusé à la place du coupable, parce que la faiblesse et la peur des uns font la tristesse des justes, que sa gentillesse sera piétinée par les mals aimés et que son bon sens sera pointé du doigt et moqué par des ignares trop diplômés. Que les dirigeants de ce monde arrivent toujours à faire ce qu’ils veulent finalement.

  • Maman, mais alors où sera ma place ?
  • Une chose est sûre, elle sera là où la vie est simple.

Depuis la nuit des temps nous avons réussi à surmonter les épreuves qu’elles émanent de la nature ou de l’homme.

Soyons de ceux qui font le pari d’un nouveau monde, les acteurs pour demain : penseurs, agriculteurs, chercheurs, ingénieurs, bénévoles d’ONG.

Savez vous comment les homards grandissent?

Pas très intéressant me direz vous.

Mais j’y viens.

Dans un documentaire un homme expliquait ceci:

Le homard est un crétacé mou qui vit à l’intérieur d’une carapace rigide.

Cette carapace rigide ne grandit pas, alors comment évolue-t’ il?

Quand il grandit sa carapace devient très emprisonnante.

Il se sent sous pression et se sent inconfortable.

Alors il se cache sous un rocher pour se protéger des prédateurs, puis il se débarrasse de sa carapace pour en créer une nouvelle.

Mais de nouveau, il va se sentir inconfortable car il va continuer de grandir, mais la carapace est toujours petite. Il répète ce procédé plusieurs fois. 

Le stimulus du homard est qu’il doit se sentir confortable.

Il n’endort par son mal être par du divertissement ou des substances chimiques.

Il a besoin de se sentir pleinement inconfortable pour jeter sa carapace et grandir.

N’ayez pas peur de grandir, d’oser et de créer en ces temps de confinement, d’épreuves.

Si vous rencontrez des problèmes, l’association https://onghumanityfrance.fr/ peut vous venir en aide sur le plan alimentaire, recherche d’emploi…

Mais n’oubliez pas, tout ira bien : demain, le soleil se lèvera.

Et puis, si le défi n’était pas d’éviter la mort, mais de rester éveillé pendant que nous sommes vivants.

F comme Février, F comme Faim

– By Nour KHALFAT –

 “Rien n’irrite autant la faim que de voir autrui manger, comme rien n’irrite plus l’homme imbu de lui-même, qui recherche constamment la louange, que de voir un autre homme être loué plus que lui.”

Plutarque

Mon métier est de conseiller les entreprises, les institutions, les hôpitaux pour performer leurs organisations. Je suis en capacité de faire un audit pour poser un diagnostic sur un écosystème “malade” en me basant sur des référentiels internationaux ISO. Après une analyse des données recueillies et de la mesure des écarts, je  préconise des recommandations pour rétablir “l’homéostasie” structurelle. Je restitue toujours mes études dans un rapport de plus de 100 pages avec photos,  feuilles excel, tableaux croisés dynamiques et pléthores de graphiques. Ces travaux sont toujours accompagnés d’une soutenance de plus de 2 heures devant un collège d’experts ou un comité de direction captivé.

Et pourtant,

Je suis un citadin.

Je suis un célibataire endurci.

Je suis un pollueur conscient éhonté.

Je suis un puissant gaspilleur.

Je suis un égoïste des temps modernes. 

Je suis atteint de “Nourrite aiguë” : surconsommation caractérisée par une production de déchets deux fois supérieure à celle de la Chine et de la Kabylifornie réunies.

En effet,

J’ai un loft, surdimensionné.

J’ai une facture d’électricité indécente pour un homme seul.

J’ai une cuisine ultra équipée assortie à mon carrelage que j’utilise une fois par semaine : je préfère m’empiffrer chez les amis.

J’ai une salle de bain plus élégante que mon salon que je visite 15 minutes par jour.

J’ai un lit King size pour mon plus grand bonheur solitaire.

J’ai vingt paires de chaussures, et pourtant je chausse toujours la même.

J’ai le dressing d’Antonio Banderas et de Sean Connery réunis.

J’ai une terrasse avec vue, j’y prends royalement le thé 4 ou 5 fois l’an.

J’ai une voiture décapotable digne d’un James Bond, que je sors 1 ou 2 week-ends au printemps ou l’été je ne sais plus.

J’ai une jument de 1 600 cm3, que j’embraye dès que je peux.

J’ai une télé XXXL crâneuse qui trône en silence dans mon salon.

J’ai un Iphone, l’outil par excellence de connexion qui me déconnecte de l’essentiel.

J’ai un serveur connecté à ma Free Box où je stocke à l’oubli mes téra de photos.

J’ai aussi un MacBook Pro, un iMac 27 pouces, un Ipad, une part du mythe de la Silicone Valley : les technologies au goût de sang.

J’en veux toujours plus, j’ai toujours faim de plus et jamais rassasié.

Merci mon striatum*.

Et vous, vous avez encore faim? ou juste faim?

* Striatum : En neuroanatomie, le striatum (ou neostriatum) est une structure nerveuse subcorticale (sous le cortex) paire, centre de la motivation alimentaire ou sexuelle qui pousse à en vouloir toujours plus avec l’aide de la dopamine. 

Ouvrage – ”Le bug humain” de Sébastien Bohler

Articlehttps://start.lesechos.fr/societe/environnement/le-cerveau-de-lhomme-serait-parametre-pour-ne-pas-etre-ecolo-1175331

J comme Janvier, J comme Justesse

– By Cathy BOU –

Rendez-vous le jour de Noël, Place de la République. Plusieurs associations ont décidé de faire une grande maraude, et je viens, comme souvent, avec Kheira, Bty, Patrick, Elias, Rachid, Hakim et Tahira.

J’y suis déjà, quand la nouvelle arrive, bonnets moutarde, écharpe, mitaines assortis,. Elle observe de loin, je la regarde droit dans les yeux, elle ne me calcule pas, encore une snob qui vient s’acheter une conscience, un jour de maraude.

Moi, je suis cabossé, j’en ai tellement fait avec Kheira, toujours fidèle, même si parfois je dois écourter et oui, des impératifs, on en a tous !

Y a Elias, celui-là il en a essuyé des galères, pire que le sopalin de la cuisine de notre moutarde. Il a même connu la rue avec comme adresse de domiciliation le CCAS, lui aussi il est abimé, maintenant il est chef d’entreprise, une auto-école, la classe…

Tiens voilà notre Pamela qui fait la manche, toujours la pointe d’humour au bon moment, Hachim ou Francis Lalanne, une perle au grand cœur, sous les regards vigilants et justes de notre photographe Nour et de notre vidéaste Makanfing.

Et là c’est Tahira, elle donne les consignes, nous voilà toutes et tous au garde à vous, elle en impose du respect, elle est volubile, un tantinet exubérante mais attachante on pourrait dire. Elle virevolte – comme dirait Nour aux commandes – autour de nous, généreuse de son temps, de son esprit, distribue les sacs bleus d’Ikea bien pratiques. Chacun prend sa part. La photo de famille et nous voilà partis pour la gare d’Austerlitz.  

Avec précision, chaque bénéficiaire ne prend que ce dont il a besoin, avec élégance et politesse, “non merci, juste un sucre, juste le savon, non merci je n’ai pas besoin du déo, non juste ce bonnet, le pull est trop petit, gardez-le pour un autre.” Et cet ami qui nous offre une boîte de chocolats et de la mousse à raser en échange de notre colis de Noël.

Une justesse si pure, si forte, si étonnante, si inhabituelle; nous, les visibles, on amasse, on entasse, on garde, une robe noire et puis une autre noire aussi, mais elle n’a pas la même forme, voyons! 

Un joli sapin de Noël devant la Queshua rappelle la date, décoré avec goût, sous la bonne garde du petit chien. 

Le poste de police, c’est perpet pour Bty qui reviendra avec les thermos emplis d’eau chaude et le sourire accroché aux oreilles, les yeux lumineux de cette trouvaille incongrue.

Une maraude de 5 heures, vidé mais heureux, j’en ai plein les pneus ! La main de Kheira n’a pas lâché ma poignée avec amour, c’était bien, avec entrain et précision.

Rendez-vous le dimanche 10 janvier Gare de Lyon, la maraude commence par les présentations de ces demoiselles encore lycéennes, Léa en tête : elle a organisé la collecte des kits d’hygiène, juste la bonne initiative, et la petiote de l’asso Juliette au large sourire, généreuses les filles !

ça caille, la nouvelle de la dernière fois est revenue avec un bonnet et une écharpe bleus cette fois ! Des gants bariolés assortis aux chaussures qui font penser à Elmer, une vraie bobo celle là et bien sûr elle ne me calcule toujours pas, pas un regard pas même en coin, pourtant elle a ramené mon frère.

Je ne me froisse pas, je reste droit dans ma carcasse, tant que Kheira ne m’oublie pas au coin de la rue, tout va bien.

Revenons à notre aventure du jour, les anciens Elias, Mehdi, Pamela, Hachim, Kheira, Mouna et bien sûr Tahira montrent avec justesse la voie aux jeunettes et à la nouvelle aux chaussures d’Elmer l’éléphant.

Le bon ton, la bonne approche, pas trop près, avec gentillesse mais pas de pitié, offrir un café, un thé avec ou sans sucre, un cadeau, un kit d’hygiène, des bonbons et savoir garder intacte la dignité de notre bénéficiaire.

Mon frère propose de l’eau chaude pour le thé et le café, posé au milieu de la place, le groupe attend la venue des amis, invisibles à l’œil nu, ils arrivent toujours seuls ou à deux, hésitants, discrets tant est si bien qu’ils sont fondus et perdus dans la foule. 

Et puis, mon frère m’a raconté, j’ai du partir à 13h45 Kheira avait un rendez vous à 14h00, le pote de Marco a saccagé le moral de la jeune troupe avec ses insultes, ses vociférations, il avait faim et nous n’avions que des bonbons, du chocolat et du déo; ça, ça l’a rendu agressif, on peut le comprendre, vaudrait mieux, à midi, porter à manger bien solide ou chaud de la soupe, des sandwichs, ce sera pour la prochaine fois et je serai ravi de sentir la baguette fraîche.

Une maraude de 4 heures, vidé mais heureux, mon frère en a plein les pneus ! La main de Cathy n’a pas lâché sa poignée avec amour, c’était bien, avec entrain et précision.

Alors qui suis-je ?

J comme Janvier, J comme Joie

– By Nour KHALFAT –

4 °C, quartier de la Défense. Une belle soirée d’hiver en très bonne compagnie. Un bar panoramique avec une vue époustouflante sur Paris. La séance photographique virevoltante et colorée se poursuit une bonne partie de la soirée au milieu des grattes ciels. Attablés à la terrasse chauffée, nous refaisons le monde, nous nous jurons de changer ce monde. Nous sommes convaincus de nos dires. 

Je chevauche ma K1600 pour déposer Madame à Saint Ouen, le froid est prenant. Je fonce sur la Porte de Saint-Ouen pour récupérer le périphérique.  Des ombres se meuvent sous le pont. Le camp des Afghans m’apparaît. Ils sont deux cents entassés de part et d’autre de la rue sous des Queshua. Je m’arrête au bout de la rue, je me gare.

Le camp semble vidé des ses habitants. je dégaine mon appareil et je filme. Un petit chemin traverse le camp pour laisser les passants gagner le métro. Je filme, je filme, je marche, je filme. Des têtes sortent des tentes, je continue en ligne.

Je devine un attroupement au bout du camp. Le ton semble monter, des cris…des Afghans viennent à ma rencontre. 

  • “Are you a journalist?”
  • “No, just a citizen, I take photos and films to show your situation”
  • “Come on, come on”

Ils me pressent. Je les filme en courant. J’appréhende la situation, les voix sont de plus en plus fortes et de plus en plus agressives. Une dispute ? une rixe ?

Un lampadaire embrase la scène, je suis l’attroupement très énervé de jeunes Afghans. Ils offrent à mon entrée fracassante la vue d’une patrouille de police insultant avec aisance ces réfugiés. Caméra au poing, je vise le policier à la calvitie ambitieuse agrippant les jeunes agités. Je me souviens des aventures de Pavel, le réfugié politique Cubain

Gênés, ils adoptent la posture emblématique.

  • “Monsieur, la caméra ! ”
  • “Je suis journaliste !” la caméra tourne…
  • “Ils ont allumé un feu pour se réchauffer. C’est interdit.” 
  • “Cela justifie t-il de les insulter et de les bousculer comme ça ?” la caméra tourne…

Je réalise que les uns ne parlent pas l’anglais et les autres le français. Fort de mon franglais et de mes années de négo avec les labo de Big Pharma, j’endosse ma cape de médiateur. D’un revers, je ramasse la première bataille. 

De ma tour, je pose une attaque verbale blitz couronnée d’un coup chevaleresque et foudroyant… Échec et mat.

Abandonnés, malmenés, isolés, les policiers sont débordés, livrés à eux mêmes, comme ces réfugiés. Deux mondes s’opposent et se rapprochent : l’un fuyant une guerre banale et l’autre, sa journée banale. 

Tous se retrouvent à 1h du matin, singlés, sous un pont balayé par des rafales de vent. Autour d’un café chaud, les uns content leurs périples, leurs voyages, leurs vies passées dans un pays ravagé. Les autres découvrent des hommes mordants pour leurs survies, leurs vies. En fond, se jouent les musiques des pays. Une trêve, une réconciliation éphémère, et sous la collusion de Johnny Hallyday et d’un groupe folklorique au nom imprononçable, la foule se met à virevolter, sous la visée de mon objectif.

Une liesse de compréhension réciproque envahit tout ce petit monde. Le sentiment d’avoir atténué certains démons, certaines peurs, certaines frustrations …celui d’être orphelin de son pays ou de sa mission. Cette impression s’efface sous les pas de danse chaloupés ici et là, des applaudissements là-bas, une scène surréaliste…

Une guerre battue par la joie.

D comme Décembre, D comme Don

– By Cathy BOU – 

Le don de soi, le don d’ubiquité, le don aux autres.

Il y a ce don dans le gobelet, qui clique au passage dans tes oreilles et puis le don qui ressemble à un talent.

Quand tu donnes, tu offres le meilleur de toi.

Ouvre les yeux, ouvre ton cœur. 

Dans ce froid hivernal, fais-lui du bien. N’hésite pas à enlever ton gant, mets la main dans la poche et sors cette pièce de sa cachette pour la poser avec compassion dans la sébile. Mais ce n’est pas suffisant, je sais, ton cœur saigne de cette impuissance. Est ce qu’un euro tout au plus, l’aiderait ?

Non, assurément, non.

Pose ton regard sur elle, sur lui, dis moi que vois-tu ? 

Au-delà de l’apparence, que ressens-tu ?

Oui je la vois dans tes yeux, la peur !

La peur qu’un jour, ce ne soit toi, là, assis-e, le froid dans les os, sale en guenilles après avoir tout perdu, même la mémoire de toi !

Alors oui donnes! mais pas ces menues pièces, donnes de ton temps, de tes pâtes, de ton bain ! Penses-y et n’oublies pas que tu peux être cette main tendue, fraternelle, emplie de sororité aussi.

Donne lui comme tu te donnes pour ne pas tomber.

Penses à cette maraude, samedi soir, souviens-toi de cliquer sur “don” à ta prochaine visite sur le site ou encore tiens toi prêt pour collecter les denrées au supermarché.

Parce que tendre la main, c’est aussi un don.

Selon France Générosités en 2019 : 

  • 110 associations et fondations membres faisant appel à la générosité du public
  • 6,6 milliards d’euros de ressources annuelles en 2018 dont :
    • 3,1 milliards de financements privés (46 %) : produits de la générosité du public, concours privés et produits divers
    • 3,6 milliards de ressources publiques (54 %) : subventions, concours publics majoritairement à caractère obligatoire comme les prix de journée
  • 665 millions de libéralités
  • 85 000 salariés  (75 % en France, 25 % à l’étranger)

La majorité des membres de France générosités dépendant à plus de 80 % des ressources privées dans leur modèle économique.

D comme Décembre, D comme Dormir

– By Nour KHALFAT –

9h du mat, les yeux collés par la fatigue, le corps meurtri par le froid, les vêtements trempés et boueux, raidi par les courbatures, mon premier réflexe est de me jeter sous la douche italienne bien chaude aux jets balnéos. Mes pieds s’agrippent au caillebotis en teck, savamment posé sur le carrelage, en souvenir de  ma côte brisée. Face au miroir, en tenue d’Adam au profil brioché, je m’auto-congratule et vérifie ma calvitie bien probante. Les serviettes méticuleusement posées sur l’échelle en bambou, attendent ma sortie. 


J’enfile mon peignoir blanc épais, mes charentaises quadrillées écossaises, pour enfin glisser sur mon canapé pour une partie d’échecs sur un fond jazzy.
Quand vient enfin le moment de glisser sous ma couette embaumée au savon de marseille. Elle me semble désormais si douce. Je ne m’en étais jamais aperçu. Le coussin carré s’enfonce sous la lourdeur de ma tête. La température ambiante est tropicale, il fait humide sans aucune pluie dehors. 


Je savoure de longues minutes ce confort si habituel. 
Nour-mal me direz-vous ? Pas pour tout le monde.


Dormir dans mon lit, c’est bien la meilleure sensation que je connaisse, avec celle de mes pieds posés sur le tapis nuancé de gris. 


En toute confidence, en hiver,  je flâne des heures sous ma couette, le plaid sur le bord du lit pesant chaudement sur mes pieds et mes mollets. Sentir la chaleur de mon corps blotti, je kiffe, et une sensation douce de plénitude m’envahit. Un cocon, une posture placentaire…


Nour dormons un tiers de notre temps. Nour dormons tous les jours. Nour dormons chez nos amis. Nour dormons à l’hôtel. Nour dormons dans le bus. Nour dormons dans le métro. Nour dormons dans l’avion. Nour-mal non ?
Et eux, dehors ?

Selon l’INSEE

“Début 2012, 103 000 adultes ont utilisé au moins une fois les services d’hébergement ou de restauration dans les agglomérations de 20 000 habitants ou plus. Parmi ces personnes, 81 000 adultes étaient sans domicile ; ils étaient accompagnés de 30 000 enfants. Plus de la moitié de ces adultes étaient de nationalité étrangère. En incluant les 8 000 sans-domicile des communes rurales et des petites agglomérations et les 22 500 personnes en centres d’accueil pour demandeurs d’asile, 141 500 personnes étaient sans domicile en France métropolitaine début 2012, soit une progression de près de 50% depuis 2001.”

N comme Novembre, N comme Nourrir

– By Sabrina Meghaoui – 

D’après une légende amérindienne, nous avons tous deux loups cachés en nous. Une bataille se livre en permanence à l’intérieur sans que nous en ayons forcément conscience. 

Les Deux Loups 

Un soir, un vieil indien Cherokee raconte à son petit fils l’histoire de la bataille intérieure qui existe chez les gens et lui dit : 

  • Mon fils, il y a une bataille entre deux loups à l’intérieur de nous tous.

L’un est le Mal: C’est la colère, l’envie, la jalousie, la tristesse, le regret, l’avidité, l’arrogance, la honte, le rejet, l’infériorité, le mensonge, la fierté, la supériorité, et l’égo.

L’autre est le Bien: C’est la joie, la paix, l’amour, l’espoir, l’humilité, la gentillesse, la bienveillance, l’empathie, la générosité, la vérité, la compassion et la foi. Le petit fils songea à cette histoire pendant un instant et demanda à son grand-père :

  • Lequel des deux loups gagne ? 

Le vieux Cherokee répondit: 

  • Celui que tu nourris. 

“Sagesse amérindienne” 

La vie nous donne faim de nourriture, d’amour, de passion, de pardon, de partage, de savoir, de solidarité, de rire, de beauté, de douceur… 

Nous cherchons à assouvir nos faims, pour ne pas trouver la fin, quoiqu’il en coûte.

Comme cette femme que je croise tous les soirs sur le quai du tramway. 

Petite, elle est à mi-chemin entre le nanisme et la taille adulte. Dans son pays natal, elle n’a certainement pas eu la chance d’avoir un traitement d’hormones de croissance pour l’aider un peu. 

Faussement épaisse, ses couches de vêtements la couvrent du froid. De sa voix fluette et de ses grands yeux clairs qui lui mangent son visage pâle, elle quémande quelques pièces aux voyageurs qui ont cessé d’être. Assommés par l’habitude, très souvent, ils font le choix de ne pas voir,  de ne pas entendre, juste de passer pour éviter l’obstacle.

Face aux rejets, comme pour reprendre des forces, parfois elle ferme les yeux, fredonne un petit air et tourne timidement sur elle-même. 

Je la regarde et souris. Elle s’arrête, me voit, et s’approche à petits pas:

– Valse, valse, me dit-elle d’une voix frêle.

– Vous aimez danser ?

Elle me donne un silence mais son corps me répond s’éloignant en dansant.  

Elle laisse s’affamer son ego, sa dignité, sa colère, sa fierté, sa honte, sa tristesse et nourrit le loup du bien avec presque rien en boutique.

C’était quoi sa vie avant ça ? 

Elle s’est probablement résignée, les choses qui s’en vont ne reviennent pas.

L’idée de trouver la fin lui fait peur, alors elle s’accroche.

Si vous voulez l’aider un peu, lui accorder un regard, un sourire ou plus, vous la trouverez tous les soirs, sur le quai du tramway de la porte de Montreuil. Et si elle n’est pas là, c’est que parfois la nuit dans un coin de rues, elle valse sans bruit.

N comme Novembre, N comme Naïveté

By Nour KHALFAT

J’ai peur des invisibles, ces mirages créés par mes volets verts en plastique, sous les éclairages de la rue. Sous ma couette, je m’enfonce, me protégeant.

Ce matin, brumeux et froid avec une lumière claire, cul sec, je bois mon café noir sans sucre avant d’enfourcher ma moto. Sur l’autoroute A3, je croise ces ombres lorgnant le long de la rambarde. Des êtres sombres, des tenues impropres, des zombies remontent le train des voitures bouchonnant en tendant leurs armes: un gobelet fébrile. 

Pluie battante, je me gare sous le pont pour enfiler ma combinaison. Une silhouette s’approche de moi, me parle, je n’entends rien. Elle insiste, me tendant sa sébile. Je ne la regarde pas. Pour me protéger, elle me tend son parapluie. Je me change rapidement. Je suis en retard. Je décolle …Vroum vroum…

Mon équipe m’attend dans la salle de réunion, et j’explique le pourquoi de mon retard. 

  • Et comment s’appelait cette charmante personne qui vous a aidé ?
  • Je ne sais pas.

Qui était cet homme ? Que voulait-il pourquoi m’a t il aidé ? Je passe tous les jours depuis sept ans et je ne l’avais jamais vu ? Que fait-il ici ?

Je suis un homme pressé, impatient, toujours à la recherche de la performance opérationnelle, économique, jamais le temps de répondre à mon frère ou ma sœur au téléphone ou d’échanger tranquillement avec mes amis. 

Départ de Guyancourt et je fonce sur Paris. Il pleut toujours.

Arrivé Porte de Bagnolet, je cherche cette ombre qui remonte la voie des voitures au ralenti. Je fais demi-tour et je vais à sa rencontre.

  • Je suis passé ce matin, vous m’avez protégé avec votre parapluie. je ne vous ai pas répondu et je ne connais même pas votre prénom.
  • Oskar, je m’appelle Oskar.
  • Que faites-vous ici ?
  • Je vis ici. 

Il me désigne une tente avec sa main.

  • Il pleut, il fait froid, vous ne pouvez pas rester ici !?

Il me sourit. 

  • Je vis ici depuis six ans
  • Quoi !?
  • Oui, avec ma femme Héla,  ma fille Sacha et mes parents.
  • Comment !?

Je me retrouve dans la petite tente avec sa famille. Je partage un thé chaud tout en écoutant leurs histoires. Oskar vient de Bulgarie, il travaille au marché de la porte de Montreuil. Héla est auxiliaire de vie et Sacha est scolarisée à Bagnolet.

Oskar, un ancien motard, sait à quelle heure je pars travailler, il adore ma moto, une BMW K1600. Il a l’habitude de me regarder passer, avec l’impression de me connaître, me dit-il, un sourire réservé au coin des lèvres. 

Je les regarde avec candeur.

Nour aux commandes, Humanity France

– By Cathy BOU –

version audio : Texte et voix Cathy Bou, Production Sabrina Meghaoui.

Une soirée, au coin d’une scène, un casque de moto esseulé, un bardat sans nom, l’ombre se faufile dans la foule pour capter les images à figer. 

L’humanité, caméra au poing.

Cette rencontre verra le jour à la découverte des photos, chacun derrière son écran, regardant ces clichés emprisonnant l’attention. Des fonds contrastés et déjà une patte, celle que tu retrouves dans toutes ses prises de vue. Toujours un peu de couleurs ou un cercle serré. Est ce le lieu ou le maître de l’objectif qui donne ce ton ? Plus tard, vous verrez ses images de la rue et vous constaterez à nouveau ces pointes de couleurs, vous défiant du regard, insolentes, ou ces flous sublimant le sujet éclatant l’écran. Ils vous attrapent la pupille dilatée de surprise. Magnifier et virevolter la dure vérité, les éclats de Nour sont l’adoucissant de la souffrance, de la misère, de la festivité, de l’insolite, de la culture, du tourisme et des êtres humains. Vacillant de la luxure à la terre, la lueur du regard est pointue, acérée, voire cruelle.

Profond, sérieux et pourtant espiègle, son œil se pose sur la vie, cette vie, nos vies, vos vies, leurs vies, avec bienveillance, humour et amour, sans voyeurisme. Un regard, posé, fixe la réalité crue et la met en beauté.

Ce qui fascine le plus : l’humilité, celle qui cache mille espoirs, mille projets, tous chaleureux.

Un mille feuille, caméra au poing. 

Plus vous le côtoyez et plus vous découvrez, chaque feuille cache un trésor, ici, l’écriture, ici, la musique et là, l’humilité, ici, l’humaniste pour l’humanité et enfin, là, un cœur d’or caché derrière tant de pudeur.

Le Grand projet voit le jour, le bien : être bien, faire bien, avoir le bien, naître le bien, émerger le bien, suggérer le bien, favoriser le bien.

Le bien, caméra au poing.

Tout cela dans un clac clac, déchirant le silence. Au creux de la paupière, il naît puis glisse le long de la pommette, doucement continue son chemin sur les joues, pour se réfugier à la commissure de la lèvre pourpre. Dans un glissement de la bouche, il se mêle à la salive et tranquillement atteint les nervures des veines. Insidieusement, il vibre dans votre sang pour pulser votre coeur. Alors, tel un bourgeon, éclosent votre propre bien et cet élan pour vous et autrui.

Voilà Humanity France est née et c’est un bout de lui, de toi, de moi, de nous et de vous qui plonge dans la capacité à faire le bien, à vibrer dans la meilleure version de soi.

version audio

Pavel, a Cuban political refugee

– By Nour KHALFAT –

Ten days ago, a hundred of South Americans were expelled from a building by the CRS in Saint-Ouen.

Louisa, a committed photographer, a young woman who is always in the fields and in the front lines, urgently calls us to help them. My cousin and I immediately drive to the city hall of Saint-Ouen.  Our car was full of hygiene products.

We have difficulties in finding the right place and ask the people from the neighbourhood to help us. Nobody seems to know the place we’re looking for. I desperately call Louisa to ask where she is but she doesn’t answer. I ask to the young people joking together but they don’t know the place either.

As we walk through the square, we can see a group of people in a kind of camp. We can see a matress, something that looks like a barnum, a caddie full of stuff… probably the only things they could take before leaving the building.

The atmosphere is tense. The faces look tired. Everyone is busy with their mobile phones stuck on their ears. The emergency situation is more than palpable.

I never move without my Canon Mark IV camera. Everybody looks at me with curiosity. Do I look suspicious? As usual, I have to be careful.  I try to show some friendly signs: I greet people, I introduce myself, I tell them that I’m looking for my friend Louiza. It’s already 9 pm. It’s getting dark. It’s a warm evening of August 2019. I wonder where they’re going to sleep and where is Louiza.

The D.A.L and the committed people are present. Everything seems well organized: theyset up the barnum. There are matresses on the dirty floor. A chaotic but good vision.

And then, I keep asking myself “Do I take photos?”,“Is it bad? “, “Is it voyeuristic?”. I would like to give the hygiene products but to whom and how?

I try to observe all around and to communicate with the leaderships. I feel some kind of suspicious. They apparently believed I was a cop!

I meet a strong and smiling man, lying on a mastress, laughing with his friends. It’s Pavel, a cute and an amazing man of 53 years old! He’s a father and a political refugee. A man who is always in a good mood. He learns French with Abajad Association. We talk together in Spanish, English and “nearly French”… He’s telling me his incredible life!

He spent some time in jail because he was a resistant of Castro’s regime. He is proud to show me his family photos and his illegal demonstrations. He fled to Surinam where he stayed for two years before reaching the French Guyane. He arrived in Paris four months ago. However, he works and has a political refugee statut. He was expelled from his temporary accommodation with no right to take his personal belongings except one or two caddies.

He had time to visit Paris. He misses his wife and his children. He is grateful to France and is very proud to live here. He has nothing but he keeps smiling and is happy. What happened in Cuba?

What about Philippe, such a committed person? He notices that I’m rushed and pushed here and there so he immediately comes to meet me. He introduces his Cuban wife and another refugee family. I interview them  in a quiet place under the kind eye of our French translator. But I still don’t know where is Louiza.

Traduction – Master Langues