O comme Octobre, O comme Oh !

-By Nour KHALFAT-

Un mois d’Octobre terne. Un samedi après-midi froid et humide. C’est enfin, le jour de notre : une déambulation dans une gare parisienne pour aller à la rencontre des grands exclus, partager un encas, découvrir des parcours de vie, les sensibiliser sur l’hygiène, la santé et éventuellement les orienter sur les structures d’accueil.

Ihlem a passé la semaine à collecter et préparer une centaine de Packs Santé avec ses neveux. Il est important de sensibiliser les enfants sur la solidarité et de les faire participer à des actions ludiques mais impactantes. Un pack pour les hommes et un pack pour les femmes. Elle a partagé les photos des enfants à l’ouvrage. Elle se rend chez Hakim pour finaliser la logistique. Les sacs se remplissent de gâteaux, de plaids et de kits de sommeil récupérés auprès d’une compagnie aérienne qui a fermé : Aigle Azur. Une odeur de café a gagné la pièce sur un fond de musique funky. On ne fait jamais de maraude sans café et thé à partager avec les invisibles. Le duo charge la voiture direction la gare de l’Est pour retrouver Djamila.

Il est 14h, je saute sur ma moto avec mes équipements photographiques pour retrouver ce trio infernal. Je découvre le trio chargé comme des mules avec deux sacs et une valise à roulette de voyage et un gros cabas pour les encas. C’est la “brigade du chat botté”.

On se dirige vers le boulevard Magenta. Nous tombons sur un groupe de jeunes bénévoles de la fondation Abbé Pierre super motivés. Le chef de groupe, Nabil, la cinquantaine, portant fièrement le legendaire bérêt noir de l’Abbé vissé sur la tête avec une petite barbe dispersée nous explique leurs modalités pour sensibiliser les citoyens à participer et a soutenir leurs actions.

Nous commençons à marcher vers les lieux discrets ou les invisibles se positionnent, l’entrée de l’ancien “India Café”, une sortie de métro, une tente isolée sur l’évacuation du métro. On se fait vite repérer par un invisible qui vient spontanément à notre rencontre.

  • Bonjour, je suis Nour – tout en lui tendant la main (je sais, je sais nous sommes encore en plein COVID)
  • Bonjour, je suis Jean
  • Tu viens d’où ?
  • Je suis de Saint Denis, me dit-il en souriant discrètement sous sa généreuse barbe. Frêle dans une veste trop grande pour lui, Il a les yeux bien ridés derrière ses lunettes oranges, de larges sourcils, des cheveux révoltés.
  • Tu veux un café, un thé ?
  • Un café, merci. 

Badaboum, les filles s’activent. Bim: un gobelet, bam: une pincée de cuillère de café soluble, boum: un peu d’eau chaude, tik: un doigt de sucre, tok: une petite touillette…et voilà le travail, tout ça servi avec le sourire. Pendant la théâtralisation du service du café, le troisième essaye de proposer péniblement une petite galette à la framboise. Jean a les yeux rivés sur les femmes. Jean se raconte, se livre spontanément, sur sa vie passée, son parcours, son divorce, ses enfants, ses passions, sa guitare…

On s’interroge toujours sur le pourquoi du comment un homme semble vivre seul dans la rue. On spécule sur son parcours, sur les accidents de la vie. On se questionne sur le rôle ou la responsabilité collective de la société, sur le rôle ou la responsabilité individuel du citoyen.

Il a un rendez-vous à la gare du Nord. (il a une vie sociale ? des amis, des copains ?, une petite copine ? ). Je lui propose de lui remettre un Pack Santé, un plaid et un kit de sommeil. Je lui explique que ce sont des enfants qui ont préparé ses Packs et que c’est tata Ihlem qui les distribue. Il découvre un shampoing, un gel douche, un dentifrice, une brosse à dents, un rasoir, une mousse à raser, un masque, un dafalgan, et un déodorant, le luxe ultime

Un silence… le papa est touché. Il mord légèrement ses  lèvres, ses yeux humides pétillent. Il part. Il nous salue de loin. Il semble heureux, non, il est heureux ! Il a accepté sa condition de vie, non il a choisi sa vie. Il subit sa vie, non, il maîtrise sa vie.

Je suis curieux ? je suis un voyeur ? de quoi je me mêle bordel. 

Je m’interroge parfois sur ce qui me guide et me pousse à faire ce que je fais. 

Cela n’a aucun sens. Je m’interroge sur qui est le plus heureux et le plus libre. Suis-je jaloux ?  

Je me souviens d’une époque passée en cravate, costume trois boutons bleue roi, tissu cerruti qualité super 120, chemise blanche, coton au col relevé, chaussures marron cuir cousu main cirées tous les mois. Un cadre zombie supérieur à grosse berline allemande, enfermé dans une grande entreprise avec une grosse carotte de salaire, des nuits blanches à stresser avant chaque comité de direction, à faire semblant d’apprécier mes collègues hautains et superficiels (comme moi finalement), à jouer une pièce de théâtre qui se jouait tous les jours 5/7 de 8h à 20h et parfois 7/7. Après ma salle de sport où je défilais avec ma tablette de chocolat fondue et ma séance d’UV. Je passais mon temps à programmer mon prochain voyage et ma prochaine folie de consommateur non averti. Je surveillais tous les mois mon compte bancaire qui terminait dans le rouge. J’avais un train de vie décalé anarchique ( plus je gagne d’argent, plus j’en dépensais et donc plus je travaillais pour finalement dépenser encore plus…). 

J’étais un bon parisien respectable qui prenait un café à 3 euros, qui ne disait pas bonjour, qui ne souriait jamais et qui ne connaissait même pas ses voisins de palier dans ma maison résidence hight standing de mes deux .

Jean n’a rien et pourtant il est heureux lui.

“En te levant le matin, rappelle toi combien précieux est le privilège de vivre, de respirer d’être heureux”

Marc Aurèle – Empereur, Homme d’état, Philosophe (121 – 180)

J comme Juillet, J comme Jabs

by Cathy Bou

Crochet, jab, crochet, jab, esquive, affronte, lutte, tombe, relève toi, tombe, relève toi encore, fauché, démuni, découragé, à l’aide, relève toi, aidez moi…

Lundi dernier, j’avais rendez vous avec un groupe d’entrepreneurs pour une petite soirée dans le 16eme j’étais pas en forme, trop de tout, marre de tout mais de si peu de choses. Mon raz le bol déborde et se voit.

Mardi, Jean laisse un message “t’avais pas l’air en forme hier ! ça te dit un café demain ?” Jab, je suis touchée en plein cœur, je m’y rends.

3 heures en terrasse très sympa à discuter de tout mais aussi de ce rien, de ce vide, de ce gouffre, de ces sables mouvants qui s’enfoncent au fur et à mesure que j’avance dans la découverte de sa vie, une descente aux enfers. Et je suis là à côté sur la terre ferme avec mon raz le bol qui déborde de petits riens à côté de ce grand tout.

Jean boxe tous les jours après avoir supervisé son chantier. Depuis deux ans, il s’accroche quand il raccroche les gants. La vie lui envoie des uppercuttes d’une violence inouïe. Ses entraînements et ses combats ne sont pas aussi tueurs que cette vie-là. Pourtant il s’effondre, le genou se déchire lors d’un entraînement, c’est l’opération. Lui qui se croyait en remontée à la surface, se retrouve terrassé.

Il a connu le confort d’un logement cossu, il a connu l’inconfort de dormir sur le bitume de son chantier, son chien pour seul compagnon.

Il a connu à nouveau le confort, le luxe même, des amis lui ont offert le toit quelques mois et puis le jab « ce petit coup direct, sorte de coup de poing où le lutteur frappe son adversaire rapidement d’une courte distance », ils vendent ! Il doit donc partir, trouver un autre toit d’ici la fin août.

Jean a l’air sympa, plutôt beau gosse, il cache son visage avec une belle barbe soignée, il est athlétique un mètre quatre vingt cinq, comme il dit, mais à la merci de la vie.

Deux ans que l’enfer le côtoie, un enfer pavé de bonnes intentions…

Dans sa sphère proche, il s’est fait escroquer, une bonne grosse dette sur les bras, il perd sa petite amie par trahison et beaucoup d’argent qu’il n’a pas. L’enfer est là, les braises commencent. Il s’accroche à ses gants, son chien mais la vague est déferlante. Le chantier ça va mais il gère comme il peut, ça croule et puis rebelote la trahison. Un autre jab. 

Enfin il pense que c’est la remontée, il croise cette jeune femme, il s’attache, elle vient, elle repart sans raison et revient ou offre le silence. Il déchire son greffon en s’étirant un matin au réveil et c’est à nouveau l’opération qui pointe.

Mais ce vendredi là, tout lui semble insurmontable: il s’écroule dans les bras d’une connaissance en larmes, aidez-moi, je ne sais plus quoi faire.

Et je te dirai, Jean, comme dirait Reed Cathy

“Les échecs servent de répétitions au succès”

J comme Juin, J comme Jeu de dupe

By Cathy Bou –

Assise en tailleur à la sortie du Leclerc de Clichy/ Saint Ouen, contre la balustrade du métro Ligne 14, fraîchement arrivée, Aïcha tient la pancarte serrée contre la poitrine. Preuve de son origine, passeport pour la compassion, elle ne veut surtout pas la perdre. Son gamin, Amir, joue avec un caillou juste à ses genoux. Engoncé, la casquette à l’envers, ses joues sont tracées d’une larme poussiéreuse. le nez renfrogné coule. Les doigts noircis traînent de la bouche au caillou.

Je les vois et pourtant je passe mon chemin, le regard fixe. 

Ne surtout pas croiser le sien, éviter toute humanité entre nous.

Une pointe de culpabilité me transperce, et pourtant j’avance comme une automate. 

Ne pas s’apitoyer et se trouver toutes les excuses du monde : je n’ai pas de pièces dans mon sac ! je ne sais pas si elle ne fait pas partie d’un réseau organisé !

Oh mais que de préjugés ! Mais d’où me viennent ces pensées saugrenues ? 

Moi d’abord :

j’ai besoin de la dernière pièce au fond de mon sac pour MA baguette de pain ou encore, pour la consigne de MA salle de sport. 

Moi, d’abord:

je suis pressée, stressée, oppressée, je ne vais pas prendre 30 secondes pour donner cette miette qui s’évapore en quelques secondes, elle est mieux au fond de MON porte monnaie à dormir.

Alors un jour, je déciderais que MA balade quotidienne m’amènerait jusqu’à elles. Chaque jour, je leur donnerais ces pièces pour qu’elles cliquettent dans la sybille de fortune. Je prendrais du temps pour discuter avec eux, jouer avec Amir. Je prendrais du temps pour préparer une bonne soupe ou un gâteau, oui voilà un carrot cake. Une lueur traversera leurs regards et là je me sentirais toute puissante, pour que la seconde d’après je me trouve minable. Minable de profiter de cette solidarité pour servir mon égo intempestif. Comment me réjouir de faire l’aumône ? Comment savourer cette aide et en tirer un profit sournois ? La seule joie à vivre devrait venir de leur réussite à sortir de cette fichue situation, la balustrade du métro près du Leclerc de St Ouen, à quelques centaines de mètres de chez moi. Parfois, Aïcha tient un bébé dans ses bras, mon cœur s’attendrit et se durcit dans la seconde qui suit.

Voilà j’ai continué ma route et je ne suis pas encore revenue spécialement pour elles.

Parfois pour m’acheter une baguette je plonge mes doigts à la recherche de la somme salvatrice de un euro dans le pot à l’entrée de ma demeure. Chaque fois, l’image de Aïcha, Amir et le bébé me saute au cœur, chaque fois il se serre et se desserre. Inlassablement, la honte m’assaille mais très vite s’évapore. 

En écrivant ces lignes, je perçois le désespoir, le fardeau et la douleur de ne pas agir, de laisser pour compte chaque jour dans le métro, dans la rue les plus démunis. L’inaction nous durcit à petit feu comme les (œufs) durs de Nour alors que notre cœur est mi mollet. Une action bien organisée, bien dressée nous permet d’être aligné. Je milite avec le MFRB Mouvement Français pour le Revenu de Base, j’ai donné ma plume pour une nouvelle, et j’œuvre auprès de mes complices d’Humanity France pour les plus démunis. Je rêve d’une éradication de la misère par la mise en place, entre autres, d’un revenu de base inconditionnel, inaliénable, universel…Vous voyez le lien ? Sans cela ma vie aurait peu de sens.

Malgré tout, les pièces attendent sagement le prochain changement de monnaie.

J comme Juin, J comme Jardin

By Nour KHALFAT

17h30, sur l’écran de ma montre connectée, Un mardi après-midi singulier. 

Je suis assis sur l’escalier de mon ancien et familier collège, abri des premiers bourgeons de mon jardin secret et de mon acné. Seul dans un silence reposant, je déguste mon petit goûter improvisé, une madeleine au chocolat offert par ma dulcinée 2 jours plus tôt (si elle savait). Mon appareil photo à la main, je survole déjà avec une certaine nostalgie, les clichés que je viens tout juste de capturer. Une émotion particulière m’envahit, je souris. La magie de la Madeleine de Proust fait son effet … 

15h, dans le réfectoire, des hordes de petits gremlins mouillés sont concentrées à récupérer les déchets au sol et à les trier à l’autre bout. Par ici, ça court, ça rit, ça chambre, ça pétille de vie, ça tang, ça banga, … les ateliers s’enchaînent.

Ici, une jolie blonde, créatrice en herbe, recycle des vêtements usagés. De ses doigts habiles, elle transforme un bas de survêtement adidas rouge-orangé en une robe de soirée tendance. Un vieux ballon de basket, et abracadabra, il devient un sac à main design. 

Par là-bas, un trio de collégiens écolo-engagés présente avec fierté six fiches techniques détaillées, décrivant les valeurs nutritionnelles et médicinales d’herbes aromatiques. Elles ont été cultivées avec patience dans le petit jardin botanique, à l’entrée du collège, anciens carrés de verdure délaissés, aujourd’hui assainis et fertiles.

Plus loin, Yuna, la directrice de la Cité maraîchers, et ses commis nous présentent une recette de crumble à base de pommes, kiwis et d’avoine. je joue l’apprentis cuisinier, digne de tip top chef.

Puis j’observe, je scrute avec mon appareil photo et passe au scan leurs esprits.

 Je viens soutenir Sabrina l’apprentie-chimiste qui présente un atelier . Avec son intuition maternelle et son savoir faire, elle transmet avec passion les clés du modèle économique social, et solidaire du futur, ainsi que les secrets de fabrication de produits écologiques simples et bon marché. Une révolution dans l’esprit des plus jeunes : faire son propre dentifrice et son gel WC avec trois fois rien c’est de la balle. Je n’avais rien dit à ma complice mais j’avoue que j’appréhendais.

A l’heure des smartphones et des technologies avancées, quels enfants s’intéressent à la fabrication du canard WC, sauf à y être obligés par leurs professeurs ou pour fayoter. Convaincue et convaincante, Sabrina ma sorcière bien-aimée installe son atelier, assistée de deux volontaires du jour.

Un plan de travail digne des TP de Physique/Chimie de mes années collège avec tout l’attirail : fiole, becs bunsen, éprouvettes, argile, bicarbonate de sodium, poudre d’agar-agar, huiles essentielles, … poudre de perlimpinpin… bref l’atelier complet de l’école des apprentis sorcier de Poudlard!

Les curieux s’attroupent et manipulent les instruments avec concentration et précaution. Ils sont en mode Swiffer, mission possible. Même les têtes dures et les kamikazes se surprenaient à être impatients de partager leur découverte avec leur maman.

Je fais un bond dans le temps.

Trente ans plus tôt, j’étais à leur place. Je me remémore mes années collège Fou Fou Fou. Je passais mon temps à jouer à cache cache avec les surveillants pendant les récréations. Je jouais déjà avec les mots avec Mme Laporte, je m’évadais avec Mme Coussement qui nous contait l’Histoire de France, je découvrais les sciences de la vie et la magie de mon anatomie avec Mme Abitbol, le langage de la nature avec les mathématiques de Mme Thomas… Mon pire cauchemar, Mme ZERBIB, la CPE . Elle incarnait l’autorité et inspirait le respect. Un regard, un son de sa voix et je déguerpissais comme un petit rat. Je jouais les (œufs) durs mais j’étais un homme-lettres.

Ici, c’est devenu chez moi. Mon collège Gustave Courbet de Romainville, c’est le premier centre de mes émotions, le lieu de rencontres de mes premiers émois et de mes premiers copains venus des autres quartiers : Cachin, les trois communes…. Ici j’ai volé un peu mon premier baiser, j’y ai gagné mon premier tournoi de ping pong. 

C’est aussi ma première paire de crampons de foot neuve achetée à la sueur de six mois d’économie de travail sur le marché des Lilas. Je n’oublie pas mon premier walkman Sony autoreverse et mes premières sorties culturelles. C’est aussi la période de mon premier diplôme, de mon premier stress d’orientation pour aller au lycée…et enfin mes premiers pas vers ma vie d’adulte.

Après avoir quitté cette ville pendant plus de 20 ans, aujourd’hui, j’habite à 2 minutes à pied de ce collège et je passe presque tous les jours devant. A presque tous les passages, j’ai des flashs de cette période importante. Des sourires et parfois des fous rires me gagnent. 

18h, ma montre connectée sonne la fin de la récré. Je me lève doucement, je déambule dans les couloirs, je découvre avec fierté des affiches de notre prochain atelier d’écriture “LesPtitsEcrivains” que nous avions transmis à la Directrice… un autre projet, une autre histoire.

Je reviens progressivement et doucement à la réalité et je retrouve les petits Courbétiens pour clôturer notre atelier, peu fiers du travail fait.

Une journée anodine pour certains, une journée d’une intense jubilation pour moi.

On en finit jamais de cultiver son jardin.

Mes racines, mon jardin à moi.

M comme Mai M comme Merde

– By Cathy BOU –

Premier réveil, derrière les barreaux, le temps de la liberté et pourtant il est temps de sortir.

Hier soir, j’avais encore la gueule de bois. La journée avait été difficile. Mon esprit vagabonde, les fenêtres laissent entrevoir la lumière du soleil levant. Que de chemin parcouru depuis la veille au matin ! un footing, une chute puis deux et ce pétage de plomb en plein milieu du hall de l’hôtel devant cent cinquante personnes. Ma tenue de sport affutée et fuselée détonnait dans cette ambiance de séminaire. Ma vue était engoncée dans ma casquette me permettant de voir sans penser être vue. Et pourtant j’étais le centre de l’attention. Heureusement pour moi, ils m’ont sauvée, sauvée de la rue, de cet espace de fausse liberté. Sans eux j’aurais pu me perdre dans les méandres de la côte Chypriote loin de tout, et je serai devenue une sans abri, anonyme, sans papier ou encore sans passé ni futur, avec pour bagage un présent de merde. 

J’aurais pu déambuler sans histoire,  sans tête non plus, je l’avais perdue durant le footing

J’aurais pu me contenter des restes des hôteliers de proximité, manger avec les mains, et la tendre sale pour récupérer deux pauvres pièces. J’aurais pu dormir dans une porte cochère grelottant sous la fraîcheur nocturne, comme mon Francis accroupi dans le métro. J’aurais pu boire à toute petite lampée les quelques flaques du caniveau. Au lieu de cela, à travers des barreaux, je vois la liberté qui s’éloigne. 

Je suis cloîtrée dans cet hôpital psychiatrique. C’est mieux que la rue comme il dirait ! Mais quelle merde !

M comme Mai M comme Metro

– By Cathy Bou –

Métro, boulot, dodo-errances, métro, dodo

Tu prends le métro souvent, trop souvent, tu voudrais ne plus le prendre, mais il faut bien gagner ta croûte, alors voilà, tu patientes dans le métro, trop lentement. Tu voudrais bien flâner mais on ne flâne pas dans le métro, on erre. C’est là que je les vois le plus, les invisibles, ils m’accrochent l’âme. Je ralentis pour te donner une miette et je me fais bousculer par la foule qui se hâte au boulot. Et toi, là, assis, tu stationnes dans le métro à un croisement de couloir avec ton bardage.

Je m’accroupis quelques instants près de toi, tu es surpris, tu bavardes peu.

  • Salut ! 
  • Ouais …Salut !
  • Comment tu t’appelles ?
  • Francis 
  • ….Que fais-tu ici ?
  • Tu vois bien non ?
  • Heu… oui, désolée, mais pourquoi t’es là ?
  • Y a d’autres questions à me poser, m’dame ! 

heu…. si sûrement mais t’es pas obligé de répondre !

Un long et pesant silence s’installe, en plus c’est inconfortable, à genoux, alors maladroitement je m’installe à ses côtés, comme lui.

La vue est tragique, la foule avance mécaniquement, les jambes à la même cadence s’enchaînent. Je lève les yeux pour voir les têtes, toutes figées, les yeux rivés droits devant. Une jambe me frôle le genou droit, elle trébuche, se tourne et un regard dédaigneux m’explique que 10 secondes de perdu, c’est un métro raté.

  • Tu devrais pas rester là, c’est pas une place pour toi, et puis tu me fais de l’ombre !
  • Heu désolée, mais, je suis fatiguée de courir dans ce métro. 
  • T’as qu’à pas le prendre.
  • J’ai pas le choix, faut que j’aille au boulot 
  • T’as de la chance !
  • Pourquoi ?
  • Non rien
  • T’as besoin de quelque chose ?
  • Oui un boulot et mon gosse

Un soupir m’informe qu’il vient de peser ses mots, il en a sûrement trop dit.

  • Y a 6 mois, j’ai perdu mon boulot chez Total ! de toutes les manières ça n’avait pas de sens. Déjà que j’avais quelques soucis de couple, ma femme est partie avec mon gosse, elle m’a pris le peu qui me restait. Et là tout dégringole, fais gaffe ça va vite trop vite,  j’ai dormi dans ma voiture, je me lavais à la piscine, tu vois avec les autres. J’avais plus d’argent, je l’ai vendue et maintenant je dors à l’hôtel. En plus, souvent je me perds dans le métro, j’ai l’impression d’être un fantôme. 

Songeuse, j’écoute abasourdie, il y a seulement quelques mois il avait encore un toit! Un frisson touche mon échine, le métro arrive, ça vibre fort sous le capot ! C’est vrai, les plombs je les pète souvent moi. Je reprends ma route perdue dans mes pensées et je me perds dans le métro. Ce n’est pas la première fois mais …

Je suis percutée, ça aurait pu être moi.

A comme Avril, A comme André

– By Sabrina Meghaoui –

  • …. André ? André, bonjour, c’est Hannah, vous êtes là ?
  • Oui, oui, j’arrive.

André ouvre sa tente, la moitié de son corps est encore dans son duvet, d’une main il ouvre et de l’autre ajuste sa chemise maladroitement, Hannah jette son regard ailleurs, Il n’aime pas se montrer négligé. 

Classe, ancien capitaine de pêche aux Antilles, sa casquette n’est jamais loin et l’ajuste à chaque visite.

Ses vieux os lui font défaut, ses gestes sont lents mais son esprit est encore vif, il aime soigner son image. La rue, ce n’est pas une excuse, dit-il.

4 mois, qu’ Hannah rend visite à André, rencontré pendant une maraude. Il est un peu vieux mais a toute sa tête, il est très instruit, philosophe, drôle et a choisi la rue pour se punir d’une erreur passée. Il accepte très peu d’aide et semble attendre que la mort vienne le chercher. Hannah l’affectionne beaucoup.

  • Je ne vous ai pas dérangé ? s’inquiète-t-elle.
  • Non non je lisais un peu, j’ai commencé un nouveau bouquin. Hier à la bibliothèque j’ai pu en emprunter quelques-uns.

André ouvre un peu plus et l’invite à regarder: une vingtaine de livres sont placés comme des parpaings tout au fond.

  • Et bien, vous voilà bien équipé.
  • “N’est ce pas dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal…”
  • Hannah Arendt, dit-elle avec un sourire.
  • Oui c’est exact. Vous venez tôt aujourd’hui ?
  • Oui, l’association avec laquelle nous avons fait des maraudes n’accepte plus les femmes, mais seulement en cuisine, alors je suis parti et on a créé notre propre asso.
  • Quelle drôle d’idée, pourquoi cela ?
  • L’homme est faible André… l’homme est faible, dit-elle en riant. Des religieux soucieux de la sécurité des femmes, pendant les maraudes, paraît-il. Sentant l’hypocrisie à pleine narine, j’ai jeté un pavé dans cette mare de merde.

Je leur ai demandé si la vérité n’était pas ailleurs : leurs pulsions étaient devenues trop difficiles à dissimuler et à contrôler derrière leur piété maquillée. L’un d’eux, visiblement l’ampoule de la masse sombre, a acquiescé. Je ne me bats pas contre la vérité quelle qu’elle soit. Elle ne me plaisait pas, mais c’était leur vérité. Et ce n’est pas mon genre d’éduquer la bêtise. Nous sommes partis. C’est ainsi. Et vous ? Comment ça va aujourd’hui ?

  • Oh, un jour de plus…
  • Vous avez réussi à joindre votre femme ?
  • Je n’ai pas essayé.
  • Quand vous serez prêts alors, un pas à la fois. 
  • Et vous votre roman ça avance ?
  • Je n’arrive pas à écrire en ce moment… et puis écrire, qu’est ce que ça veut dire ? Tout le monde écrit, aujourd’hui c’est à la mode. Écrire c’est pas difficile, c’est d’écrire quelque chose d’intéressant qui est difficile, je vois pas l’intérêt d’écrire si c’est juste moyen.
  • ça, ce n’est pas à vous d’en juger mais à celui qui vous lit, si plus personne n’écrit qui fera rêvasser les hommes comme moi.
  • Il restera les écrivains d’antan et croyez moi on a tout a leur envier. 
  • Hannah, dites moi, pourquoi écrivez- vous ?
  • …. Pour arrêter de penser je crois. Je vois et ressens les choses trop vite, trop fort, alors à défaut de les dire je les écris. J’aime me mettre à côté du monde, et le regarder. L’écriture me ramène au plus près de moi, là où tout est plus doux, plus paisible, elle m’aide à reprendre mon souffle; un monde sans haine, un monde  avec beaucoup d’amour, que certains prennent pour une faiblesse, parfois.
  • Ho non ! c’est loin d’être une faiblesse. Vous savez j’aime les gens qui écrivent. C’est à travers l’écriture que l’on voit qui ils sont. C’est important d’écrire et d’être lu. On ne peut jamais connaître véritablement une personne même quand on partage sa vie. Rien ne permet de résoudre le mystère de l’autre, sauf par l’écriture à mon sens. Nos actes sont parfois soumis à la somme d’une éducation mais pas à la somme d’un être, et l’écriture, elle, révèle. Elle vous donne le goût d’une âme, d’un esprit, d’un cœur, de pensées. vous ai je raconté comment j’ai rencontré ma femme ?
  • Oui, la journaliste de votre village.
  • Oui je rentrais de la pêche, elle m’attendait pour me poser ses questions et quelque temps après on se mariait. Elle écrivait de magnifique poèmes. A chacune de ses lectures, je pouvais voir son cœur sans filtre, je vous souhaite d’aimer un homme qui écrit, le voyage est merveilleux.

Autour de son cou, André porte une chaîne avec un médaillon, une photo de sa femme et son fils à l’intérieur, disparu en mer à l’âge de 8 ans, « un accident » dit André. Rongé par la culpabilité il est parti loin de son pays , de sa femme et de lui même. Il pensait que c’était pour mieux revenir mais rentrer lui était trop douloureux.

  • Vous savez, Hannah, il est important d’aimer. Avant j’avais un foyer , maintenant j’ai un abri. Connaissez- vous la différence ? 
  • Oui
  • Quand je ne rentre pas à la maison, je ne manque à personne… La plupart des gens pensent que si je suis dans la rue c’est parce que je suis feignant, drogué ou alcoolique, que je n’ai aucune culture et aucun savoir vivre, mais ça ne me dérange pas. J’aime nos discussions, Hannah, dit-il en souriant.
  • Je vous laisse André, je reviendrai samedi si Dieu me le permet. Demain, il faut essayer d’appeler votre femme.

Il essayait tous les jours d’appeler sa femme sans y parvenir.

Un samedi, Hannah le chercha, sa tente avait été retirée. 

Trois jours avant, il s’était interposé lors d’une bagarre de rue, il reçut un coup de couteau et la mort l’emporta.

Je dédicace ce texte à André.

A comme Avril, A comme Agir

– By Cathy BOU –

Voilà c’est dit, agir, A.G.I.R; il est temps d’agir ! mais comment ?

Chez Humanity France, cette récente ONG qui a une autre vision de l’humanitaire, nous te proposons de venir nous rejoindre pour AGIR. Ah désolée dés qu’il s’agit d’agir je crie, Prends ton téléphone, tape www.onghumanityfrance.fr ou clique ici 

puis tu vas dans l’onglet “devenir bénévole” et tu t’inscris pour agir : , , , … bref tout est possible, bientôt tu pourras parrainer un enfant près de chez toi et tes désirs peuvent devenir réalité, tu veux devenir bénévole dans les fonctions support c’est ici aussi.

Tu vois agir avec Humanity France c’est simple et bon, d’ailleurs nos projets de slogans te disent tout

Tu peux offrir du respect 

Tu peux offrir de la dignité 

Tu peux offrir une écoute 

Tu peux retrouver et offrir ton humanité 

et tout ça !!! sans ouvrir ton porte monnaie !!!

viens chez Humanity France

Tu aimes lire, regarder des photos, t’imprégner et être inspiré alors, vas te balader sur le site surtout en haut à droite “nos mots”.  Tu me connais déjà, j’ai déjà jeté quelques mots par ci et par là.

Ah ok je vois ! tu manques de temps et tu voudrais participer financièrement à notre association, et bien c’est simple garde ton téléphone, si t’es courageux.se : clique ici ou inscris vite dans la barre de navigation hello asso ong humanity france, voilà attention tu as tapé trop vite regarde bien tu as mis trois l à hello…et humanity tu me l’as écrit “humanité” tu me diras, c’est pareil, oui mais pas tout à fait, nous nous y tenons, à humanity, demain matin quand tu agiras près de nous tu comprendras le pourquoi de ce ty (chut c’est un secret il rime avec Cathy et Bty).

Bon ça y est, tu vois la page hello asso sur humanity france tu cliques et tu remplis les cases et tu renseignes précieusement la case adhésion ou don comme tu veux de 1 à 1 million d’euros, pense au don pour hello asso un petit coup de pouce pour eux c’est bien aussi, ils sont top. clique ici

Tu as eu peur ! le formulaire est trop long, je te propose celui ci !

Voilà agir chez Humanity France, c’est simple et c’est bon comme la fraise sur le cul d’un cheval qui fait tagada tagada…tagada.

M comme Mars, M comme Maison

By Nour KHALFAT

1984 – Les anciennes carrières de Romainville. Autre circuit, autre challenge : le Fort Interdit », un espace vierge où la nature reprend tous ses droits. Lieu de tous les fantasmes et des pires légendes urbaines. Un territoire sauvage où règnent en maître, des braconniers à la recherche de leurs proies et des oiseaux rares en perdition, les fugitifs. 

Notre jungle, c’est notre mission.

Le corps encore meurtri et marqué par nos précédents périples, nous entrons en zone interdite. Armés de ciseaux sortis de nos trousses de CE2  et de règles collées à une équerre niveau CM1, nous “machettons” la brousse. Un grillage, des détritus et de hautes herbes folles ne nous résistent pas. En ligne droite, en rang de bataille, nous avançons telle une armée de mikado chocolat au lait. Négligeant nos barres Twix HLM de Gagarine, avec les copains : Djamel, Christophe, Roger, Mourad, Stéphane, Olivier, et moi même, nous chassons durant des heures le terrain idéal pour y construire notre cabane. Un canapé éventré, une chaise de bureau défoncée encore sur une roue, une table basse à se fracasser le dos, un vieux pneu bien confortable et des vieilleries dénichées ici et là, illumineront notre salon “Keskia”. Une plaque électrique posée sur un carton de légumes et voilà notre cuisine équipée. Un cadre de fenêtre sans verre en guise de véranda ouvre la vue sur le salon de jardin, une simple banquette arrière de la vieille Renault Cinq décharnée, les ressorts à l’air. Tout est noir et blanc dans la cité, mais nous, on voit la vie en arc-en-ciel. 

Notre cabane, c’est notre maison.

Un matin d’été, nous nous étions tous donnés rendez-vous au bac à sable pour faire notre tournoi de billes. L’occasion rêvée de bomber le torse et faire les coqs déplumés, autour de nos billes pour montrer notre agilité “doigtale”. Hassan, notre Pininfarina, croque nos circuits aux formes curvilignes, dessine des virages serrés pour affûter nos trajectoires. Il trace de longues lignes droites pour permettre à nos bolides virevoltants de déchirer l’asphalte. Il crée des obstacles avec un rien comme Géotrouvetout: un bout de bois en guise de mur infranchissable, un sac de toile troué comme piège mortel, un fourreau en plastique comme long tunnel… 

Nos billes, c’est notre raison.

2019 – A une heure de Cox’s Bazar, le Deauville du Bangladesh, se trouve Kutupalong, un des plus grands camps de réfugiés à ciel ouvert au monde. Ce village de cabanes rafistolées de bambous, de tôle et de toile se love sur une région vallonnée souvent inondée. Il a éventré la jungle en deux mois, maintenant s’y amasse un million de Rohingyas fuyant les exactions des militaires birmans – 

Ce n’est pas une armée de mikado.

La silhouette assise à même le sol se livre dans la faible lueur de la sombre cabane de 10m2. Huit adultes et six enfants s’y entassent religieusement. Je suis assis en retrait, je filme. La mère aux pieds nus, tatouée, fièrement vêtue d’une robe traditionnelle bariolée, debite sa vie d’antan, son quotidien, sa fuite, son périple, son arrivée et sa vie dans le camp…petit à petit, la voix de notre interprète est moins assurée, elle tremble. L’émotion nous submerge, nos corps se crispent au rythme de son récit. Un silence assourdissant envahit la pièce. Il est déchiré par les pleurs du bébé allongé dans son couffin suspendu bercé par la gamine. A côté, la grand-mère asséchée aux yeux rougis a le verbe sybillin. Du linge aux couleurs chatoyantes décorent la pièce.

Sa maison a été détruite. Son mari a été battu à mort par les militaires. Ses deux frères et trois de ses cinq enfants ont été brûlés par les moines bouddhistes. Avant de pouvoir fuir, elle a été violée dans son village et a mis au monde cet enfant dans le camp.

Je vacille, je perds pied, j’interromps les confidences. Je tombe la caméra, je me lève, je titube jusqu’au jardin. La main posée sur le tronc du premier arbre, je cherche avidement l’air, la lumière. Mes yeux absorbent enfin le soleil, la lumière me fouette, l’air me calme et je reviens de ce cauchemar. Les pieds de tomates rouge vif et les salades vert éclatant jouxtent le canal, irriguant les petits jardins. Ce tableau de couleurs contraste avec la couleur du sol, une terre marron, visqueuse et pétrie par les pluies de la mousson. Le calme intérieur a repris son droit, le silence est rythmé par le Muezzin.

C’est coloré mais c’est une prison.

Je m’abandonne sur une banquette de bus admirant le camp s’étendre à perte de vue. Le ciel bleu baigné d’une légère brise vient adoucir la chaleur suffocante. Mes paupières se ferment. Des cris, des rires, et je découvre surpris des enfants joueurs. Certains courent derrière une jante rouillée un bâton à la main, d’autres se vautrent dans un bac à terre pour un tournoi de billes. 

Leur maison, c’est leur cabane; leur raison, ce sont leurs billes.

M comme Mars M comme Mue

By Cathy Bou

Le mois dernier Sabrina nous parlait du homard. Elle m’a beaucoup inspirée tant par la métaphore que par son style d’écriture.

Dans un autre registre, je voudrais aborder la renaissance par la mue. Une renaissance peut être une torture. La vie du monde animalier m’intéresse pour ses belles et cruelles images.

La perspicacité et l’acuité de l’aigle me fascinent.

Un jour sans le savoir quelqu’un a partagé une légende indienne sur les réseaux sociaux, elle m’a profondément marquée, aussi je vous la partage à mon tour.

« L’aigle vit jusqu’à 70 ans. Mais pour que cela se produise, vers la quarantaine, il doit prendre une décision difficile. À cet âge, ses griffes sont longues et flexibles, elles ne peuvent plus saisir la proie dont il se nourrit. Son bec, allongé et pointu, se courbe. Les ailes, vieillies et alourdies par de très grosses plumes, pointent contre la poitrine. Voler est maintenant difficile. 

L’aigle n’a que deux alternatives : se laisser mourir ou faire face à un douloureux processus de renouvellement d’une durée de 150 jours. 

Il s’envole ensuite au sommet d’une montagne, se retire dans un nid inaccessible, appuyé contre une paroi rocheuse, un endroit d’où il pourra revenir en volant et en toute sécurité. Une fois trouvé cet endroit, l’aigle commence à claquer son bec contre la paroi jusqu’à ce qu’il se détache, affrontant courageusement la douleur de cette opération. 

Après quelques semaines, un nouveau bec repousse. 

Avec cela et quelle que soit la douleur, il déchire les vieilles griffes. Lorsque les nouvelles repoussent, avec celles-ci et le bec, il arrache toutes ses plumes, une à une. 

Lorsque les plumes renaîtront, l’aigle se lancera avec confiance vers le renouveau et commencera à vivre encore 30 ans. 

La légende de L’Aquila a de nombreux liens avec notre vie. Nous aussi, très souvent, nous devons faire face à des décisions difficiles mais nécessaires qui nous guident vers le besoin de faire un processus de renaissance. Relever des défis et des changements n’est pas une tâche facile. 

La transition d’un état à l’autre est rarement sans effort et parfois très douloureuse. Mais sans ce changement, nous ne pourrions pas grandir et devenir ce que nous avons l’intention d’être. » 

Ici, au petit matin, sous une tente, assise en tailleur sur son coussin de fortune, la main se tend, tremblante vers ce breuvage chaud. Un thé ou un café, du sucre ? Suave, il s’écoule dans son corps laissant quelques instants le bonheur de saliver envahir son cœur figé.

Cette joie furtive s’évapore en un battement de géhenne.

Ailleurs, dans une demeure chic, une femme, face à l’indicible, s’installait sur son coussin de méditation. Les mains tremblantes sur les genoux, elle rêvait d’un thé bien chaud. D’un coup elle laissa s’échapper, amère, ses larmes de douleur.

Cette souffrance lancinante explosait de bonne heure.

Ici, sous cette tente, Nicole connaît la cruauté de la rue, la pisse piquante, le froid cuisant, la solitude mordante.

Ailleurs, dans cette demeure, Nicole connaissait la cruauté de la vie, la mort sournoise, l’espoir fatigué, la solitude mordante.

Ces deux femmes ne sont qu’une, à deux époques différentes de sa vie. 

Espérons qu’un jour la mue lui offre un vent de plénitude. 

Aussi difficile soit la période que vous traversez, plongez profondément dans la souffrance, comme l’aigle, criez, pleurez, hurlez, saignez de toutes vos larmes. Vivez ce changement et découvrez cette nouvelle liberté qui s’offre à vous.

La renaissance est là. Tout est une question de temps.

Je dédie ce texte à toutes celles et ceux qui souffrent aujourd’hui et maintenant dans leur esprit, leur cœur et leur corps.

Spéciale dédicace pour Koulandjan.